Washington - Les membres de la célèbre fanfare universitaire de la Louisiane, la Southern University Marching Band, savaient depuis longtemps que la musique transcendait l'âge, la race, la langue et la culture.
Mais lors d'une récente présentation au Maroc, 14 des percussionnistes et 3 des directeurs du groupe ont découvert que la musique transcendait aussi le son.
Avec ses 225 membres au total, la Southern University Marching Band est reconnue comme l'une des meilleures fanfares universitaires des États-Unis. Ses cuivres et sa percussion sont célèbres pour leur style innovateur et leurs techniques d'exécution. Elle a donné des présentations dans des endroits très connus, tels le Yankee Stadium et le Radio City Music Hall, et aussi lors d'occasions spéciales comme le Super Bowl (la finale du championnat de football américain) et devant des publics qui se chiffraient dans les dizaines de milliers de personnes.
Mais le spectacle que sa formation réduite a présenté devant plusieurs centaines de personnes au théâtre national Mohammed V à Rabat - que l'on peut visionner sur YouTube - restera sans doute gravé dans la mémoire des exécutants pendant des années : les musiciens marocains qui s'étaient joints à eux pour la soirée étaient sourds, comme l'étaient de nombreux membres de l'auditoire.
Le percussionniste Alexander Riggins a dit que cela avait été en fait l'une des expériences les plus extraordinaires de sa vie.
« Elle a vraiment donné un sens nouveau à l'idée que la musique est fondamentalement un langage universel, même si vous êtes sourd ou aveugle, ou encore originaire d'un autre pays ou que vous parliez une autre langue. Cette tournée marocaine elle-même prouve que la musique est un langage universel », a affirmé M. Riggins.
Le concert entrait dans le cadre d'une tournée de la Southern University Marching Band parrainée à la fin de janvier par l'ambassade des États-Unis, avec le soutien du Bureau des affaires éducatives et culturelles du département d'État, qui administre un programme de tournées des arts du spectacle. Les membres du groupe ont joué devant des auditoires nombreux à Casablanca, à Rabat et à Marrakech du 26 au 31 janvier.
Mais à Rabat, c'étaient les Américains de la Southern University Marching Band qui avaient été fascinés par les percussionnistes marocains de l'Association Nasr pour les sourds-muets, qui étaient montés sur scène et avaient joué avec eux sans manquer une mesure.
« Bien que sourds, ils étaient capables d'identifier les rythmes de la musique en nous regardant et de nous accompagner, a souligné M. Riggins. Ils ne peuvent pas entendre mais ils peuvent quand même suivre la musique. »
L'organisation Maroc Cultures, dont l'objectif est de promouvoir la culture marocaine, avait coparrainé le concert. Les revenus de la vente des billets ont servi à appuyer l'Association Nasr qui a pour vocation d'intégrer les malentendants marocains à la société.
M. Ibrahim Hamid, dont le fils est sourd, a fondé l'Association Nasr et son groupe de percussionnistes ; il a déclaré que le concert avec l'orchestre universitaire américain avait montré comment la musique peut unir des personnes d'origines diverses.
« Cette présentation a été comme un échange de nos cultures américaine et marocaine ; nous avons joué des rythmes américains et ils ont joué des rythmes marocains. C'était vraiment formidable », dit-il.
Pour sa part, le directeur des groupes musicaux de la Southern University, M. Lawrence Jackson, a fait l'éloge de la capacité des Marocains à jouer en harmonie avec son orchestre.
« J'étais curieux de voir comment ils pouvaient jouer sans entendre les sons des tambours. Leurs yeux, plus que tout, contrôlaient ce qu'ils jouaient, a souligné M. Jackson. Nous communiquions avec les rythmes. J'avais l'impression qu'ils sentaient les battements sonores puisqu'ils ne pouvaient pas les entendre. »
M. Hamid a expliqué que les malentendants peuvent avoir leur propre façon de percevoir la musique.
« Les sourds sont en mesure de ressentir les vibrations et les échos de la musique sans l'entendre. Quand les sourds-muets ressentent ces vibrations et ces échos, ils peuvent jouer de la musique », a expliqué M. Hamid.
L'occasion d'accompagner l'orchestre américain était plus qu'un simple échange culturel. Les concerts et les répétitions avec les percussionnistes d'autres pays enrichissent les compétences des musiciens marocains.
« Au Maroc, il nous faut encore renforcer nos présentations musicales, a dit M. Hamid. Nous devons avoir plus de concerts et de relations avec d'autres orchestres de réputation internationale afin d'améliorer la jeunesse de notre pays, notamment les jeunes qui sont malentendants, et aussi pour accroître les compétences techniques de nos musiciens. »
Outre le concert à Rabat, la Southern University Marching Band a joué avec les groupes marocains Africa Style et Ostinatono au théâtre Mohammed VI à Casablanca. Et à Marrakech, ils ont joué pour des milliers de spectateurs et de coureurs à la ligne d'arrivée du 22e Marathon international de cette ville.
Pour M. Riggins, le séjour au Maroc est allé au-delà de la musique. Il lui a permis, dit-il, de connaître un autre peuple et d'apprécier sa culture et la grandeur de sa civilisation. Gravée dans sa mémoire est la visite que les membres de la fanfare ont rendue à la mosquée Hassan II à Casablanca, l'un des plus grands lieux du culte du monde entier.
« Rien que de voir la structure et l'échelle massive de la mosquée, rien que d'en voir l'essence, était vraiment magnifique », a noté M. Riggins.
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